Accueil inconditionnel
Le discours anti-migration, banal et omniprésent aujourd’hui, tourne le dos aux savoirs des chercheurs et chercheuses sur l’état actuel des migrations. Sociologues, anthropologues, économistes s’accordent pour dire qu’il n’y a pas de vague migratoire incontrôlable, que l’extrême majorité des personnes qui se déplacent fuient des conditions d’existence insupportables et dangereuses et, à ce titre, devraient être protégées par les conventions internationales. En refusant de prendre en considération l’approche scientifique du fait migratoire, une large partie de la classe politique opte pour l’idéologie partisane et l’arbitraire plutôt que la raison et le sens de l’humanité. Cette idéologie de non-accueil engage notre société dans les rouages du rejet de toute culture différente.
Afin de rendre à nouveau possible un débat réellement démocratique sur cette question, il est essentiel que se constitue une mémoire de toutes ces personnes déshumanisées par les polices des frontières. Des chercheur·ses y travaillent, certain·es artistes aussi, mais surtout, sur le terrain, avec des moyens très limités, des archives de ces espaces d’accueil fragiles, de ce qui s’y passe d’humain, de culturel et de démocratique, s’élaborent de manière plus ou moins « improvisée ». Nous sommes allé·es à la rencontre de certains de ces lieux d’accueil qui, dans des contextes géographiques et matériels toujours singuliers, fonctionnent grâce à de fortes dynamiques de solidarité. C’est une plongée dans la réalité des migrations que les politiques et les médias dominants évitent d’évoquer et de porter à la connaissance des citoyen·nes. Ces témoignages montrent aussi que l’inconditionnalité totale de l’accueil, si elle est non seulement désirable et indispensable au niveau du respect des droits humains par les États, reste un horizon difficile à atteindre.
Ce Journal est la sixième et dernière publication éditée dans le cadre des 30 ans de Culture & Démocratie. Une manière d’alerter sur le fait que le climat anti-migration constitue une ligne rouge en train de faire basculer la démocratie vers l’inconnu.