Un prisme des droits culturels
Morgane DegrijseCoordinatrice de la Plateforme d’observation des droits culturels
Ce dixième titre de la collection « Les Cahiers de culture & Démocratie » reprend les actes de la journée d’échanges et de débats autour des droits culturels et des manières de les faire vivre au sein des institutions artistiques – qui a eu lieu le 4 octobre 2019 au Grand-Hornu, lieu chargé d’histoire présenté en page 11. Cet évènement, imaginé avec les Festivals de Wallonie et le Festival Musical du Hainaut, fut l’occasion pour des spécialistes, des artistes et responsables d’institutions culturelles et artistiques de croiser leurs regards sur les droits culturels, considérés dans leurs multiples dimensions : juridique, anthropologique, philosophique et, surtout, pratique. Des respirations musicales ont rythmé la journée pour éviter l’écueil de ne demeurer que dans le discours et inviter un peu plus étroitement les arts au cœur d’une réflexion qui les concerne au premier plan.
Je profite de ces quelques lignes pour remercier toutes les personnes sans qui cet évènement et ses actes n’auraient pu voir le jour : le MAC’s et le CID – qui nous ont accueilli·es avec bienveillance et fourni un important support technique – mais aussi les bénévoles qui ont contribué à la retranscription des interventions, les musiciennes – Nathalie Houtman et Laura Pok –, les équipes, les partenaires et les participant·es, sans oublier les modérateur·ices d’ateliers.
Une série d’introductions – rédigées par les partenaires de la journée – ancre dès les premières pages de cet ouvrage les droits culturels dans divers paysages (enseignement, musées, …) et ouvre quelques horizons d’action. Si des politiques internes peuvent (et doivent) être menées au niveau des institutions artistiques et culturelles en prenant comme boussole les droits culturels, ces derniers pourraient à l’avenir constituer un référentiel global des politiques culturelles, voire un nouveau paradigme pour la société toute entièren.
Au cours de la matinée, nous avons effectué un tour d’horizon des droits culturels du point de vue du droit (p. 20), de l’anthropologie (p. 43), de la création (p. 40 et p. 55) ainsi que du champ socioculturel (p. 48). L’après-midi fut quant à elle consacrée, en ateliers, à des récits d’expériences concrètes liées aux droits culturels, dans le champ de la musique (p. 62, p. 67 et p. 71), des arts visuels (p. 76, p.79 et p.84) et des arts de la scène (p. 94, p.99 et p.107).
De ces multiples terrains émerge l’idée commune que l’appropriation, puis la mobilisation des droits culturels commence la plupart du temps par le fait de tourner un regard critique (et bienveillant) sur son institution et ses manières de fonctionner, afin de réinterroger le sens et les objectifs de ses actions. Ce mouvement permet souvent de mettre à jour certaines dissonances entre la philosophie générale de l’ensemble et l’application concrète des actions. J’aimerais m’essayer à l’exercice pour cet évènement, qui fut une belle réussite en termes de contenu et d’audience, mais peut-être un peu moins en termes d’accessibilité pour tou·tes, de diversité des publics et de participation active.
Tout d’abord, si le site du Grand-Hornu est absolument magnifique et porteur de sens – notamment car il accueille deux musées –, il demeure difficilement accessible en transports en commun. Tandis que le prix d’entrée – bien qu’abordable et réduit pour les demandeur·ses d’emploi et les étudiant·es – conditionnait tout de même l’accès à la journée. L’aspect économique et la situation géographique constituent régulièrement des freins importants en termes d’accès à la vie culturelle.
Ensuite, il fallait bien remarquer un certain entre-soi, extrêmement difficile (et pas forcément pertinent ?) à éviter lorsque l’on traite de sujets aussi spécifiques. Le fait que la journée ait lieu en semaine compliquait par exemple la participation de ceux et celles qui n’étaient pas en mesure de la valoriser dans leur travail. La temporalité et le choix des horaires sont des données essentielles lorsqu’on cherche à diversifier les publics.
Finalement, en termes de participation active, le programme de la journée – très dense et minuté – a fortement réduit (voire supprimé) certains moments d’échanges et de débats avec l’audience, ne laissant pas le loisir à chacun·e de s’exprimer, même dans les ateliers censés être plus participatifs. De plus, la plupart des espaces ne facilitaient guère les échanges, les orateurs et oratrices se trouvant sur une estrade face à et surplombant l’assemblée. De simples dispositifs, tels qu’une configuration de salle en cercle par exemple, invitent plus naturellement à la participation de tou·tes.
Malgré cela, la journée fut riche et inspirante et je suis enthousiaste à l’idée de continuer la réflexion – notamment à travers l’analyse co-construite de pratiques professionnelles mobilisatrices de droits culturels – au sein de la Plateforme d’observation des droits culturels.
Bonne lecture !
Image : © Anne Leloup
Voir notamment les conclusions de la journée.
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