Prendre soin
Spécifiquement, il malmène les secteurs non-marchand du soin et de l’aide sociale (secteur du care) : sous pression, précaires eux-aussi, surtout quand ils sont dépendants de subsides et de politiques publiques. Si les soignants souffrent de cette situation, les patients en pâtissent également. La profusion des médecines alternatives est sans doute le symptôme de cette inadéquation entre ce que génère le modèle dominant de société comme possibilité de soin et les besoins de soin des gens.
Selon une conception plus large de la santé, du fait de prendre soin, nous pouvons voir, dans d’autres domaines que ceux stricto sensu du soin, les marques de cette incurie/négligence/violence/abandon/, causée par « la société » dont sont victimes de plus en plus de personnes – malades, et fous, certes, mais aussi réfugiés/migrants, pauvres, détenus, handicapés, jeunes, femmes, non-blancs, non-connectés…
Paradoxalement, ce même modèle de société prévoit des réponses à cette souffrance, à cette précarité, à cette vulnérabilité. Médicalisation générale (biopouvoir)/Charité ou philanthropisme (réponses du secteur privé)/Développement de soi : réponse individuelle et individualisante – ou de l’inflation, dans les librairies, du rayon « bien-être»/ Spirituel/retours du religieux/… Sans remettre en question le modèle, ces réponses sont-elles des sparadraps ? Soignent-elles vraiment ? Apaisent-elles, au mieux ? Aménagent-elles les souffrances ? Apportent-elles bonne conscience ? Permettent-elles l’extension ou l’intensification du marché ? Aggravent-elles « la situation » ?
La culture, comme secteur des politiques publiques et comme secteur investi par des logiques de domination/de biopouvoir, n’échappe pas à cette demande de réponses aux maux créés par la société, … Voyez par exemple les missions de lutte contre la pauvreté que le secteur culturel doit assurer. Voyez les CEC, le théâtre-action, l’éducation permanente, sous-secteurs du secteur de la culture à qui est clairement formulée cette mission d’attention aux plus faibles. Comment, nourris d’un esprit critique maintenu dans le secteur culturel de la FWB grâce, espère-t-on, à la présence forte de l’esprit de l’éducation populaire, ces secteurs parviennent-ils (ou pas) à ne pas provoquer d’effets opiaçant ? Comment portent-ils la dynamique d’un changement structurel, condition sine qua non à un véritable soin ?
Sortir de la culture au sens du secteur des politiques publiques : comment des initiatives artistiques, culturelles, mais aussi plus simplement « citoyennes », collectives ou singulières, hors politiques culturelles, hors contrôles/soutiens de l’État (ou se jouant de ce contrôle) parviennent-elles à prendre soin des gens/de la nature, dans le sens subversif du fait de prendre soin ? Comment ces pratiques peuvent-elles contraindre la puissance publique (démocratique) à adopter une réelle politique du « prendre soin de tout le monde » ?
📻 👂Une émission de radio a été co-réalisée avec Radio Panik pour la sortie du Journal : « Prendre soin : pensées et pansements »