Le paysage n’est plus un sujet en vogue. Alors qu’il a été, de la Renaissance au XIXe siècle, l’un des principaux thèmes de la peinture, réinventé toujours par les écoles qui se succédaient, on lui préfère de nos jours d’autres territoires, plus abstraits ou plus intérieurs. Le travail de Benjamin Monteil lui redonne sa centralité, explore son héritage, tout en lui appliquant un traitement tout à fait neuf et propre à l’époque.
Ainsi de ces paysages en ruine ou de ses futurs épuisés, vieillis, qui ont déjà décliné. Comment ne pas voir dans cette résurgence de la nature, à nouveau dominante, une sorte de prophétie ? Le futur deviné de l’anthropocène et de son impact sur les paysages ? L’être humain se fait fantôme, empreinte. Peut-être est-il dissimulé sous terre, derrière des murs épais ? Il ne trône en tout cas plus. Quand il est présent, le voilà esseulé ou encerclé, voilà ses œuvres urbaines empilées comme dans l’arrière-salle d’un musée… Même dans ses compositions les plus cartographiques, Benjamin Monteil laisse planer le doute : regarde- t-on une image de la réalité ou un reliquat ? Un artefact des temps anciens qui aurait été conservé et qui renseignerait le futur sur nos habitudes, nos déplacements, nos chemins de vie ?
Enfin, il faut être juste, le corps n’est pas tout à fait absent de ses gravures et illustrations. Mais lui aussi semble mis en péril, à deux doigts de basculer dans l’obscurité. Benjamin Monteil a un talent certain pour représenter le mouvement dans l’image unique : figure, épaule, bras, main, chaque partie de soi est mue par la détente ou la crispation. Le dessin parait vivant et fragile à la fois… c’est pour cela qu’il convoque immédiatement notre empathie. S’il craint de souffrir, nous aussi. Là encore, c’est un territoire menacé, en évolution constante, que représente l’artiste. On pourrait dire que ses portraits sont comme des architectures organiques et néanmoins soumises aux mêmes frictions que celles de ses paysages.
Ressort de cet ensemble, qui n’est qu’un fragment du travail de Benjamin Monteil – également intéressé par la BD ou les influences vidéoludiques (lire l’entretien) – une jolie tendance au syncrétisme et à l’exploration du présent à travers sa territorialité et sa corporalité. Sans oublier une maitrise, déjà considérable, de la gravure et d’une esthétique à la fois solaire et déclinante, naturelle et artificielle.
Toutes les images – pour la plupart des gravures à l’origine –, ont été modifiées numériquement pour répondre à une publication et dans un souci d’homogénéisation.
Image : © Benjamin Monteil
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