Covid, numérique et émancipation populaire
Renaud-Selim Sanlichargé de projets à Culture & Démocratie
La crise sanitaire actuelle est venue accélérer des processus de numérisation du social sous des formes ultra-capitalisées. De grands groupes numériques se sont emparés des services publics et privés en un clin d’œil sous couvert d’apporter une solution « au problème majeur de la crise sanitaire » : celle du maintien d’une activité productrice normale dans le cadre d’une distanciation sociale nécessaire.
Le problème n’est pas le numérique en tant que tel mais plutôt l’idée selon laquelle il n’aurait qu’une place technique (de résolution de problème) quand la décision d’y recourir et son implantation sont toujours un choix politique qui s’inscrit dans — et produit — des réseaux de pouvoirs (et, de facto, de domination).
Avec les confinements successifs, les associations d’éducation permanente ont massivement fait basculer leurs activités sous des formes numérisées, du jour au lendemain, de manière non interrogée. S’inscrire sans recul dans cette continuité de la numérisation ultra-capitalisée (j’insiste) du social, n’est-ce pas, pour le secteur de l’éducation permanente, se tirer une balle dans le pied quant à son rôle d’émancipation sociale ? Plutôt que de se lancer à corps perdu dans une production numérique de sur-sollicitation (tant pour les travailleur·ses salarié·es que pour les usager·es ), le secteur de l’éducation permanente devrait se poser une question fondamentale : qu’en est-il des possibilités d’actionner le frein d’urgence?
Lectures
Grégoire Chamayou, La société ingouvernable, La Fabrique, 2018.
Cédric Durand, Technoféodalisme, Zones, 2020.
Carl Schmitt, Hermann Heller, Du libéralisme autoritaire, trad. Grégoire Chamayou, Zones, 2020.
Barbara Stiegler, Il faut s’adapter, Gallimard, 2019.