Porter un masque, se laver les mains, garder ses distances, limiter le nombre de contacts, rester chez soi, autant de gestes barricades qui, s’ils sont nécessaires pour enrayer la propagation du Covid, dénaturent le métier d’enseigner.
Cette prophylaxie protège du virus mais annule toute transmission véritable en agissant comme un anti-geste pédagogique. À travers des écrans interposés, souvent sans apercevoir le visage des élèves, faire classe à une addition d’enveloppes virtuelles et encapsulées, ce n’est pas enseigner.
Apprendre exige du tact. Toucher et être touché·e. Nos gestes cherchent à être les plus contagieux possibles, à briser les coques. Toutes les connaissances se propagent de proche en proche, par contact.
Transmettre est − même si ce n’est jamais dit, et comment le dire ? − une affaire de tendresse et de bienveillance, un corps à corps avec l’invisible.
On n’élève pas les élèves à distance parce que cet éloignement est une forme de maltraitance qui creuse les inégalités. La relation pédagogique s’enracine dans le partage avec le monde, les autres et nos fantômes qui nous expulsent de nos chambres intérieures et de nos conformismes.
Que fait-on à une génération que l’on frustre de visages et de contacts ? Qu’est-ce qu’une culture privée de ses corps ? Qu’est-ce que cela génère à long terme ?