Les récits de la crise
Guillermo KozlowskiCollectif Formation Société éducation permanente
Le virus, l’épidémie, la plus grande partie d’entre nous le rencontre surtout d’une manière médiatisée, à travers des « informations », c’est-à-dire déliés en quelque sorte de notre vécu. Présentés dans des informatifs tiraillés entre d’une part le pari que plus ces informations seront séparées de notre vécu plus elles seront vraies et d’autre part le besoin de dramatiser pour qu’elles percolent dans la population. Dans cette configuration, il y a peu de place pour une pratique artistique qui ne se réduise pas à une complainte du confinement ou à une mise en scène des informations. Dans ce cadre, a fortiori et à juste titre, l’expérience artistique est vue comme non-essentielle.
Or, ce que le virus rend tangible, ce sont les liens que nous entretenons avec des chauves-souris chinoises, avec les forêts qu’elles habitent, la déforestation, d’autres humain·es, des visons danois, l’élevage industriel, etc. Il y a de ce côté-là d’autres expériences artistiques possibles, rendre perceptibles ces liens par des sons, des mouvements de corps, des couleurs, des images. Peut-être des manières de produire des prises sur ce monde plus intéressantes qu’ajouter une musique inquiétante derrière les propos d’un ou une scientifique. Peut-être que les liens entre la manière de gérer la crise, les causes de cette crise et le monde que prépare cette gestion seraient perceptibles. Peut-être que les liens entre la manière de produire, la misère sociale et la catastrophe écologique apparaitraient… Peut-être que dans ces pratiques-là, la culture est indispensable pour vivre.
Lectures
Bernadette Bensaude-Vincent, « Guerre et Paix avec le coronavirus », terrestres.org
Alexis Zimmer, Chedia Leroij et Guillermo Kozlowski, « Post-scriptum aux individus sans monde », La Revue Nouvelle, n°7, 2020.
Anna Tsing, « Humain, plus qu’humain » (entretien), trad. H. Hiessler et S. Marandon, Le Journal de Culture & Démocratie, hors-série 2020, p. 17.